Les avions fantômes de la belle époque Complètement oubliés aujourd'hui, les avions fantômes ont succédé, à la "belle époque", aux dirigeables fantômes, avant de céder la place aux fusées fantômes, elles mêmes bientôt détrônées par les non moins fantômes "soucoupes volantes". Tout comme les aérostats et les dirigeables fantômes, les avions fantômes sont tout simplement des avions que les témoins croient avoir vu alors qu'ils n'avaient aucune existence réelle, du moins en tant qu'avions. Un bel exemple d'avion fantôme nous est fourni par le faux avion russe de 1913 , dont on ne voyait guère que le phare, et dont l'heure d'apparition coincidait curieusement avec celle de la planète Vénus. La petite histoire du "plus lourd que l'air" La simplification de l'histoire de l'aéronautique dans les manuels respire le nationalisme: Pour les américains l'aéronautique commence en 1903, avec les frères Wright, pour les français en 1890 avec Clément Ader, pour les anglais, en 1853 avec Sir George Cayley. On pourrait croire que pour les russes, ce doit être avec le camarade Popov, mais c'est avec Alexandre Mojaïski en 1884.
Par imitation des graines de sycomore ou de tilleul, dont les graines sont munis d'une feuille qui les fait tournoyer en tombant, mais qu'on peut faire remonter en les lançant dans le sens inverse, les chinois de l'antiquité auraient fait de petits jouets de plume et de bambou, qui s'élévaient dans les airs en en faisant vivement tourner l'axe entre les deux mains. Plus tard, en occident on imagina de lancer la rotation au moyen d'une cordelette enroulé sur un axe tournant: ce fut le "moulinet". Ce type de jouet existe toujours, perfectionné depuis par l'ajout d'un anneau circulaire, servant de volant d'inertie, qui le fit appeler "soucoupe volante" dans les années 50. Passons sur la "vis aérienne" de Léonard de Vinci, qui n'a jamais existé que sur le papier, et nous arrivons à 1754, où Lomonossov présente une petite machine à aile tournantes, mue par un ressort. En 1784 François Bienvenue fait une démonstration semblable à l'académie des sciences. En 1870, Alphonse Pénaud perfectionne l'engin en le dotant de deux hélices bipales contrarotatives. Ainsi, à l'époque où on cherchait désespérément le secret de la navigation aérienne, le "plus lourd que l'air" opérationnel existait déjà, mais sous forme de jouet seulement. Parallèlement aux hélicoptères jouets, en 1857, Félix du Temple fait décoller un avion motorisé de 700 grammes, propulsé par une hélice entraînée par un système à ressort. Puis en 1877, Alexandre Mojaïski fait voler un modèle réduit, à trois hélices. Il fallut attendre 1884, pour que les constructeurs d'engins volants s'installent enfin dans des machines en vraie grandeur. Et c'est alors que commence la saga des "plus lourds que l"air".
Puis, en 1890, Clément Ader tente de faire décoller son engin, l'Eole, dans le parc du château de Gretz-Armainvilliers. Malheureusement, imité de la chauve souris, l'engin fut tout juste capable de ne plus reposer sur le sol, comme le ferait aujourd'hui un engin à coussin d'air. Un vol à ras du sol aurait ensuite été accompli en 1896 à Saundersfoot par William Frost, mais la description de son engin laisse un doute sur la réalité de ce vol. Un nouvel essai de Clément Ader en 1897 avec son Avion III, devant une commission de militaires, ne fut guère plus concluant: l'engin se trainait tellement près du sol qu'un des officiers se jeta à terre pour voir si l'engin avait bien quitté le sol.
Nouveau progrès en 1906, quand l'engin de Trajan Vuia est capable de s'élever tout seul jusqu'à 2.5 m. Finalement, ce n'est que le 13 janvier 1908, à Issy-les-Moulineaux, qu'on put voir le biplan d'Henri Farman décoller sans assistance pour effectuer un vol en circuit fermé, donc en revenant à son point de départ. Ainsi l'engin volant plus lourd que l'air mit au moins 18 ans, sinon 24, pour devenir opérationnel. Ces merveilleux fous volants dans leurs drole de machines L'engin plus lourd que l'air avait deux avantages: non seulement il était plus rapide, mais il coutait moins cher que le dirigeable, qui n'était à la portée que d'un milliardaire où d'une grosses administration. Ses performances furent surtout subordonnées au rapport puissance/poids de son moteur, mais dès qu'il devint possible, il suscita l'enthousiasme.A partir de 1908, donc, l'aéroplane ayant fait ses preuves, les bourgeois fortunés - et audacieux - s'achetèrent des aéroplanes. On organisa des meetings d'aviation. Le 25 juillet 1909, Louis Blériot traverse la Manche, rééditant en aéroplane, l'exploit que Blanchard et Jeffries avaient réalisé dans un ballon en 1785.
Les vaisseaux volants se transformeront en ballons, puis en dirigeables plus ou moins fantaisistes, et même en vaisseaux à hélice sustentatrices, comme l'albatros de Jules Verne, toujours en récupérant ce que la technique venait d'inventer, que ce soit opérationnel, ou non. Un bon exemple nous est fourni par le capitaine Danrit, qui, dans La guerre de demain, consacre un volume traitant de la guerre... en ballon, car on était encore qu'en 1890. Il retrouvait ainsi l'esprit des armées de la révolution, qui, en 1794 créèrent une compagnie d'Aérostiers qui s'illustra à la bataille de Fleurus en utilisant un ballon pour observer le mouvement des troupes adverses, avant que Napoléon abandonne l'aérostation en 1799. 20 ans plus tard, découvrant l'avion, Danrit l'utilise dans L'aviateur du pacifique.
vers 1910: Les avions espions des cartes postales En 1910, donc, les avions sont tellement bien entés dans l'imaginaire, qu'on imagine plus la guerre sans eux.
1910: le baron noir de New-york
L'engin n'évolue guère à plus de 50 mètres d'altitude, mais le dessin de l'appareil n'est vraiment pas crédible: il ressemble à un wagon de chemin de fer! Comme si le dessinateur n'avait jamais vu d'aéroplane! Guipuzcoa, Espagne, février 1912. Un abonné du chasseur français raconte: "Par une matinée très noire, j'arrive sur un grand plateau des Pyrénées... Je vois arriver sur moi deux clartés ayant l'intensité d'une lampe élcctrique de 5 à 6 bougies avançant à une assez grande vitesse et produisant un bruit semblable à celui d'un fort ronflement. Je croyais tout d'abord que c'étaient des aéroplanes, mais en examinant plus attentivement, je constatai que c'étaient des oiseaux de la grosseur d'une forte poule... A l'extrémité du plateau, je rencontre des pâtres, que j'interroge sur ce fait étrange et il me disent que ce sont des oiseaux de nuit lumineux, qu'ils volent très vite et qu'ils les aperçoivent souvent." Hum! Des oiseaux lumineux de 5 à 6 bougies? qu'on voit souvent? On imagine que notre chasseur arrivait à l'aube, avec un ciel chargé de nuages, sur un plateau d'où on voyait l'horizon. Que voyait il? Vénus et Jupiter donnant, à travers les trouées de nuages, l'impression de se déplacer assez vite, et qu'il prend d'abord pour des aéroplanes, qu'on imaginait déjà, à l'époque, équipée d'un éclairage électrique.
Vénus brille de tout son éclat. Les soldats autrichiens voient revenir chaque soir des aéroplanes russes qui espionnent leurs positions à l'aide de puissants projecteurs électriques. Ils tirent. D'après Le Petit Journal, , ils auraient réussi à en abattre un! Kiev, Ukraine, janvier 1913. Vénus brille aussi pour l'Ukraine. De nombreuses personnes signalent chaque soir des aéroplanes autrichiens... dans la direction de la planète Vénus. Angleterre, mars 1913 De mystérieux dirigeables, munis d'un puissant projecteur, viennent chaque soir espionner les ports anglais. N'est il pas curieux que les témoins ne voyaient pas la planète Vénus, située dans la même direction? Kiev, juillet 1914. Un aéroplane espion muni d'un projecteur apparait chaque soir à l'ouest, dans la direction de la planète Vénus. L'approche de la guerre est en train de transformer Vénus et Jupiter en dirigeables et en aéroplanes. Pendant la grande guerre, cela ne va vraiment pas s'arranger. Notes et références 1) Le Petit Journal, Supplément illustré, 2 février 1913. 2) La Nature, supplément, 3 mai 1913, p 169-170 3) Bulletin de la Société Astronomique de France, mars 1913, page 133 |
Dernière mise à jour: 10/11/2021
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